Stéphanie Mansy – dessinatrice et marcheuse – voyage sur le papier et dans les espaces. Elle va à la rencontre de lieux, souvent naturels mais aussi urbains, pour créer sur place (sur papier ou à même le mur) mais aussi de retour à l’atelier, selon un principe d’allers et retours. De ces immersions et itinérances, elle collecte, dans ses carnets, des impressions sensibles et fugitives. Elle y capte l’esprit du lieu, sa lumière, sa résonance, sa vie… qui deviennent ensuite la matière première pour ses œuvres. « Les dessins », nous dit l’artiste, « présentent des espaces parcourus, traversés, captés, investis. Ils tentent de retranscrire mes immersions et d’envahir l’espace de la feuille. » Il s’agit de « rendre compte de l’atmosphérique, du végétal, de l’organique, » de « capter l’essence des choses et la trace de leur immédiateté. »
Tel un sismographe, Stéphanie Mansy tente de capturer et retranscrire les énergies, les bruissements d’un lieu et par là, les instabilités et la dégradation du monde. Pour elle, le dessin est la trace d’un « instant suspendu », celui de la performance au sein de laquelle le corps, le geste interagissent de manière physique et sonore avec le support et l’espace où est réalisé le dessin.
Actuellement en résidence à la Casa de Velázquez à Madrid, l’artiste poursuit ses explorations (géo)graphiques. Elle apportera dans ses valises quelques carnets d’itinérances réalisés récemment. Ayant accès aux réserves du musée du Prado, au cabinet des arts graphiques, ainsi qu’au fonds de l’Académie royale de San Fernando, elle porte son attention sur la conservation des œuvres et à leurs altérations inévitables. Sous forme de correspondances dessinées, il est question de saisir la dimension fragile, éphémère et tactile de ces œuvres du passé.
Pour son exposition à L’H du Siège, d’autres œuvres sont présentées. La série Souffle, constituée de plusieurs dessins de paysages à la fois bouillonnants et contemplatifs, s’articule en regard de Ressac n°1*. Ce dessin monumental au pastel d’un noir profond, évoque par son dispositif de présentation – un rouleau se déployant dans l’espace depuis le mur – le mouvement des vagues. Le dessin, enroulé puis déroulé au fil des accrochages, met en contact son recto et son verso, se frotte, s’efface et se transforme. De manière générale, l’artiste accorde une importance aux accidents ou aux aléas de la vie d’une œuvre : l’envers du support, sa matérialité, les traces et empreintes involontaires, la fragilité constitutive du papier et le caractère volatile des médiums (pastel, fusain…). L’altération, la dégradation ou encore l’évolution d’une œuvre dans le temps sont au cœur de ses préoccupations. Un grand mural, réalisé in-situ et en collaboration avec des étudiant.e.s en art, se déploie sur les murs de l’espace d’exposition du centre d’art. Ce wall-drawing s’envisage comme une exploration physique de la surface : palimpseste constitué de traces, de trames, d’empreintes et de marquages à même de « faire chanter les murs » dans l’atmosphère et l’acoustique spécifique de la galerie.
L’exposition parcours La vue les nomme mais la main les connaît invite à un voyage sensible au travers de paysages sauvages au bord de l’abstraction, tantôt effervescents ou déliquescents, traversés par des nuées, explosions ou phénomènes atmosphériques. Mondes flottants ou chapes de plomb, entre apnées et respirations, le dessin invite ici à une expérience physique, syncopée, résolument fragile et vivante. Là où nos yeux ne proposent peut-être qu’une expérience incomplète ; là où notre corps et nos différents sens viennent prendre le relai…
* Les dessins issus de l’ensemble Souffle (2019) et Ressac n°1 (2019) appartiennent à la collection du Frac Picardie Hauts-de-France.
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